Il fut un temps où on était moins con. Enfin, je m’entends. On était tout aussi con mais ça se voyait moins. Et puis l’avènement de l’internet, des réseaux sociaux ont démocratisé la connerie. et pour… la mettre en exergue encore plus qu’elle n’est, il ne restait plus qu’à inventer le moyen le plus sûr pour ça. Or, par un heureux hasard, et vous savez que je ne crois pas au hasard, et si vous ne le savez pas, ou plutôt, saviez pas, et bien maintenant vous le savez, commencez pas à faire chier à m’interrompre tout le temps sinon on s’en sort pas, donc disais-je, par un heureux hasard, il se trouve que c’est souvent dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe. Dès lors, c’est tout naturellement vers le passé qu’on s’est tourné pour aller chercher ce formidable appareil qui allait nous permettre de mettre notre connerie en pleine lumière : L’appareil photo !
Apres l’avoir miniaturisé et intégré dans tous les smartphones, voila tout le monde pourvu d’un appareil à conneries.
Auparavant l’on ne pouvait saisir ces instantanés qu’avec parcimonie,( ou pneumonie quant il s’agissait de prendre un lever de soleil dans la campagne auvergnate par -14 degrés.) Désormais, que nenni. Plus de trépied à planter, plus d’heures à attendre la goutte au nez, en espérant que la lumière sera pertinente et qu’on a bien choisi la bonne péloche. On tend le bras et clic, c’est aussi rapide qu’un premier rapport de puceau.
Ensuite on applique toute une batterie de filtres et la photo devient magique.Evidemment, on la partage de suite sur les réseaux sociaux. D’abord sur Instagram en taggant les différents hastags qui vont la mettre en valeur (dans le cas présent #SUN #Auvergne #FroidAuxMiches #CaCaille #Vercingetorix #campagne #leverDeSoleil) puis sur Twitter et Facebook qui devront être liés au compte, puis éventuellement, sur Flickr. Ca y est :
vous êtes photographe.
Enfin, photographe au sens littéral, pas au sens professionnel. Et oui, parce que , ce qui différencie le pro de vous c’est que lui, non seulement il gagne sa vie avec mais en plus il sait ce qu’il fait. Il ne shoote pas au hasard (et vous savez que je ne crois pas au hasard, et si vous ne le savez pas, ou plutôt, saviez pas, c’est que vous ne faites pas attention quand vous lisez et là ça va m’exaspérer un tantinet), il sait ce qu’il fait. Et surtout :
IL NE SHOOTE PAS N’IMPORTE QUOI !!!!!!!
Et c’est un peu là où je voulais en venir, car oui, je voulais en venir quelque part, et je vous voyais bien, là, depuis tout à l’heure , en train de vous dire : mais où est-ce-qu’il nous amène là hein…? et bien on y est.
La photo-connerie.
Revenons un peu en arrière, disons en 1978 par exemple, je ne sais pas pourquoi cette année là en particulier, mais comme disait Claude François : Cette année lààààà, .. ben y’avait le premier épisode de Dallas ainsi que de Starsky et Hutch, la premiere retransmission intégrale du tournoi de Rolland Garros, le premier tirage du loto, la naissance de Récré A2 et Goldorak, et la sortie électrisante du sautillant Chanteur dont je citais le nom ci dessus , le 11 mars. Donc, en 1978, quelques nantis possédait un appareil photo de qualité et alors que d’autres moins nantis en possédaient de moindres qualités, pourtant le prix des pellicules et la peur de mal faire conduisaient ces gens à prendre les photos pêle-mêle, des grands mères qu’on ne reverraient plus à Noël prochain, des petits avec des sous-pulls orange (on est en 78 rappelez vous) des vacances à Palavas les Flots (oui j’ai un peu souffert) ou du spectacle de la grande soeur dont on avait un peu honte tellement elle dansait aussi bien que la sus-dite mamie atteinte d’un parkinson sévère.
Il subsistait tout de même une espèce de retenue dans l’acte de photographier. Et puis . Y’a eu le drame…. Le portable !
Et là , c’est juste n’imp. Rendez vous compte de tout ce qu’on prends en photo aujourd’hui et qui revêt ce caractère d’inutilité qui n’est pas sans rappeler les meilleures heures du Colonel Reyel.
On photographie son chat sous toutes les coutures, postures, impostures, en train de dormir, manger, dormir, jouer, dormir, guetter un oiseau, dormir, et toutes sortes de situations plus grotesques les unes que les autres.
On photographie ce que l’on mange, partout, au resto (où d’ailleurs certains chefs refusent désormais que l’on prenne des clichés de leur plat), chez des amis, hamburgers, plats exotiques, sandwiches, plats raffinés, tranches de jambon, mais aussi ce qu’on boit (cafés, cocktails, bières, alcools en tous genre…) et pour certains ce qu’on rend après tout ça …(excréments et vomissures diverses…).
On photographie ses mains, ses yeux, sa bouche, son ventre, son dos, ses fesses, …. le miroir de la salle de bains est devenu le vrai objet culte de tout selfistes qui se respecte. , mais aussi plus improbables : ses pieds. à la plage, avec de nouvelles chaussures, avec une french sur mesure, avec une mycose ….
On photographie la rue, les gens qu’on ne connait pas, les voitures, les immeubles, les passages piétons, les vélos, et on appelle ça le street art.
vous croyez honnêtement qu’en 1978 on photographiait des chats, des pieds, des plats, des cafés, …des mycoses ???
aujourd’hui, tout à changé….
on photographie tout….. on photographie rien.
Pourquoi je vous raconte tout cela, et bien c’est simple. Parce que moi aussi je suis tombé dans ce piège. Plus jeune j’ai eu un appareil argentique et puis un jour j’ai succombé au charme de la photo rapide via le smartphone.
Et on a commencé à me dire que mes photos étaient jolies, intéressantes, sympas, et sans choper le melon (ce qui est rare chez moi je le concède a mi-mots) j’ai commencé à réfléchir quand je shootais. Puis je suis revenu à la photo mobile mais sans réfléchir : je vois un truc qui me plait, je shoote. Mon Ami Olivier Benguigui, Photographe (lui) m’a ensuite proposé de me donner tout un mur de l’exposition qu’il allait faire, et j’ai vu alors mes « oeuvres » sur un mur avec des gens dits « de la profession » qui critiquaient positivement mes clichés sans savoir que je ne faisait pas partie de la grande « caste » des saisisseurs d’instants , caste qui se la pète un peu quelques fois,tout autant que celle des musiciens dont je fais partie aussi et dont je vous parlerai bientôt.
Alors J’AI eu l’idée , avec quelques autres dont je tairais le nom ici, non pas par modestie mais parce que j’ignore qui ils sont et je m’en bats la couenne si fort qu’elle en devient jambon de Bayonne, j’ai eu l’idée donc, de ne prendre des photos qu’avec mon mobile, et de ne les retoucher qu’avec des applications mobiles aussi.
Vous pourrez donc voir ces SUPERBES CLICHES sur Alone G (admirez la subtilité déconcertante avec laquelle j’ai admirablement retourné les lettres de mon nom pour obtenir ce jouissif anagramme magnifique). Vous pourrez en outre , si vous voulez poser pour des portraits, me le proposer et je verrai en fonction de votre physique disgracieux ou pas, si je retiens votre candidature.
Mais alors …? toutes ces inepties n’avaient pour but que l’auto-promotion décadente et même pas subtile ?
Oui. Bien sur. C’est mon blog je fais ce que je veux hein.
Rompez….
excellente… photographie de notre vie numérique et nomade avec ironie en plus 🙂
Bon je suis comme toi, je sais ce que je fais mais je le fais quand même !
Non mais c’est important la photo. A l’origine, c’était un outil scientifique puis utilisé pour témoigner des instants de vies. L’art, c’est autre chose… Oú est la vérité finalement ? Merci pour cet article Seb.